Mon premier Paris - Brest - Paris : une école qui forme les caractères !
Point de professeur, ni de classe, ni de bureau, ni de tableau noir. Ici, on apprend par le vécu. Le courage, l’obstination et la volonté sont les principaux bagages de l’élève.
Pourtant des contrôles réguliers sont prévus et il est indispensable de les réussir pour continuer. Ils se présentent sous la forme de brevets cyclotouristes, qui, une fois délivrés permettent l’inscription au gigantesque examen final : le P.B.P.
LES BREVETS
Commençons par le brevet de 200 km.
C’est une promenade familiale entre amies et amis, sans problème particulier.
Parcours de la randonnée : Muret Mazères du Salat, Castelnau Durban, Gaillac Toulza et retour à Muret.
Poursuivons par le brevet des 300 km.
C’est le 200 amélioré : On part un peu plus tôt le matin (lumières) et on arrive un peu plus tard le soir. Toujours entre ami (es) mais un peu moins nombreux.
Parcours de la randonnée : Muret , Montech, Saint Antonin Noble Val, Cordes, Caraman, Auterive et retour à Muret.
Continuons par le brevet des 400 km.
C’est déjà autre chose. Une donnée nouvelle apparait (on va rouler toute la nuit avec les lumières (piles + dynamo).
Il ressemble à une flèche Vélocio. Mais le groupe d’amis se réduit encore et on ne se retrouve que trois. Ça marche comme sur des roulettes (jeu de mots laids). Les trois copains se soudent peu à peu pour ne former qu’un seul groupe. Puis, au fur et à mesure des kilomètres, certains commencent à diminuer physiquement, mais le groupe reste soudé et au retour, malgré un vent contraire sur plus de 150 km, çà passe sans casser.
Parcours de la randonnée : Muret Mazères, Lagrasse, Gruissan, Capestang, Castelnaudary et retour à Muret.
Finissons par le brevet de 600 km Montauban - Badalona
C’est le 400 en plus long. Mais le groupe se réduit à sa plus simple expression : 2 éléments. (mais quels éléments !!!).
Donc le 25/5/95 au matin, départ de bonne heure (6 h) et de bonne humeur. Nous sommes 35, le départ en groupe est très sympa. Les kilomètres s’égrènent sans peine et le moral est au beau fixe.
Premier contrôle, premier ravitaillement, on s’attarde un peu et l’on se retrouve à 2. Le groupe est complètement disloqué.
Peu de temps après, on arrive au contrôle de Toutens, sous la pluie, où l’on se restaure copieusement.
On repart à 2 sous la pluie qui continue de tomber. On avance régulièrement sans problème et chemin faisant on récupère un 3ème larron qui consolide notre petit groupe (3 bons éléments). On arrive comme çà jusqu’à Quillan.
Après s’être de nouveau restaurés, nous repartons à 3, la pluie est toujours présente. Dans la montée de la Quillane on perd la troisième pièce et la nuit commence à tomber. Il faut mettre la dynamo, l’effort est de plus en plus important.
La fatigue et la lassitude commencent à se faire sentir, il n’y a plus de conversation, mais quelques regards en disent long.
L’autre est toujours là, comme il ne dit rien, il ne doit pas souffrir, pourquoi me plaindre ? Pourtant deux nouveaux compagnons se joignent à nous jusqu’au bout de la nuit . J’ai nommé "JEAN AYMART" et "JAYMAL PARTHOU" .
On arrive quand même à Formiguières, et à peine descendu du vélo on saute sur le téléphone pour avertir notre tendre et douce compagne que nous sommes en pleine forme et que tout va bien ( Je vais bien ... tout va bien etc...). Ce sera son passeport pour dormir. On en profite pour manger un morceau et boire un café.
Le redémarrage est des plus difficiles, le froid s’est abattu sur nous. On grelote de la tête aux pieds, les jambes sont tétanisées. On arrive quand même à démarrer la machine, lentement le système se dérouille mais les dents s’entrechoquent et de légers gémissements sortent involontairement de la gorge. Enfin, petit à petit, on commence à se réchauffer, mais on n’en finit pas de grimper.
Et çà continue ... encore ... et ... encore ... Maintenant on a l’impression de faire corps avec sa machine, on est soudé dessus, il ne reste que le pédalier qui semble libre. Ça monte toujours, ça commence à être "la croix et la bannière".
C’est normal car on arrive au col du Calvaire. Allons encore un petit effort ! Maintenant nous n’avons plus froid.
On aperçoit les lumières de Font-Romeu se refléter dans le lac, c’est vraiment féerique. On a l’impression que c’est tout près mais le compteur n’est pas d’accord avec cette appréciation. La pensée du "dodo" qui nous attend, nous donne des ailes pour arriver enfin à ce contrôle. On se décolle maladroitement de la selle. Le vélo appuyé à la rambarde nous fait penser à un orphelin qui voudrait venir avec nous.
On entre dans l’hôtel. Quelle surprise ! On aperçoit des corps qui gisent de-ci, delà, les tables, les chaises sont couvertes de sacoches, sacs, serviettes, gants, casques, etc...
Certains semblent dormir, d’autres entrouvrent les yeux et d’un regard hagard s’interrogent sur notre présence. On dirait des soldats fatigués d’une trop longue guerre.
Un court échange verbal avec le contrôleur qui nous propose cafés et gâteaux, on pointe le carton, puis direction la chambre sans attendre. On prend une bonne douche avant 2h de sommeil. Le réveil est brutal mais le repos fut réparateur.
Il est 2h 40 mais c’est un autre jour que l’on entame. La pluie a cessé, nous avons changé cuissards, maillots ainsi que les sous-vêlements. Nous sommes à nouveau propres et secs. Après un bon gros déjeuner nous repartons à 3 dans la nuit noire. La descente est dangereuse et pénible pour les yeux mais les jambes ne souffrent pas. On avance en tirailleurs, 1 à droite de la route, 1 à gauche et le 3ème au centre en retrait. La descente est longue et les freins sont serrés. On avance comme des escargots ! En bas la route s’élargit, partiellement éclairée, avant d’entamer le col de Toses en Espagne. Maintenant le ciel est dégagé, la montée est fantastique dans le firmament étoilé, même les jambes ne se rappellent plus de la chevauchée de la veille. C’est super !
On arrive en haut sans problème et heureusement une bonne soupe nous attend, car il ne fait pas très chaud. On tamponne le carton, on se restaure et on repart. Cette nouvelle descente est euphorique, comme une récompense. Dans la vallée le jour commence à se lever. Tout doucement les villages apparaissent, un à un, le soleil consent à nous réchauffer. On capte ses rayons afin de "recharger les batteries" et se refaire une santé. On passe les petits cols pour arriver au pied du dernier : "COLL FORMIC". Les 10 km sont parcourus très rapidement afin de tester si les jambes répondent encore ? C’est le dernier ravitaillement et l’arrêt se prolonge. Après un dernier coup d’œil au panorama (on aperçoit un coin de mer !) on s’élance pour la dernière étape.
La descente est sensationnelle et rapide (on s’éclate comme des ados). Sur la lancée on enroule "la grosse plaque" pour vite arriver à Badalona, mais la traversée de la ville est longue, dangereuse (trop de voitures et de feux tricolores).
Enfin, on traverse la voie ferrée, puis on aperçoit les organisateurs. C’est une délivrance et la satisfaction est intense, on commence à réaliser que c’est vraiment fini ! il est 18h 50. Temps total = 36h50.
A partir de ce moment, une seule idée nous trotte en tête :
L’INSCRIPTION AU " PARIS ---> BREST ---> PARIS "
(à suivre...)
LE PARIS ---> BREST ---> PARIS
Il y a 3 départs possibles :
Le 21 Août 1995 à 20h00 (temps max = 80h00 - plaque rouge).
Le 21 Août 1995 à 22h00 (temps max = 90h00 - plaque verte).
( 3 départs de 600 concurrents toutes les 20 minutes).
Le 22 Août 1995 à 5h00 (temps max = 84h00 - plaque bleue).
Mon choix fut porté sur le départ de 5h00 le 22/08.
Après un léger contretemps au départ, à cause de ma dynamo, je remonte une partie du peloton afin de retrouver Jean-Luc, compagnon du brevet de 600 km. Au bout d’une cinquantaine de km, nouveau problème, mais avec mon porte-bagage. Après un bon quart d’heure de réparation, je décide de forcer l’allure pour revenir sur mon copain. Je profite d’un "Express" de 4 étrangers, je plonge dans leurs roues et le compteur affiche entre 35 et 42 km/h. Ils m’ont permis de rejoindre mon ami. L’allure est de nouveau plus tranquille (entre 24 et 30 km/h), mais vers le 100ème km, une alerte à la crampe se fait sentir. On arrive tranquillement au premier ravitaillement à Mortagne au Perche, il est 11h15. Il faut s’alimenter et boire beaucoup.
Je repars avec Jean-Luc, mais au 200ème km, une 2ème alerte à la crampe me sépare de lui, je suis un peu à la dérive, et ma promenade solitaire, sous le soleil intense, me fait boire énormément. Pourtant, en me glissant d’un groupe à l’autre, j’arrive au deuxième ravitaillement et 1er contrôle de Villaines la Juhel, il est 15h30. Gros ravitaillement (potage, nouilles, riz au lait, banane et beaucoup d’eau). Avec la préparation des bidons et le "pommadage", je repars une heure après.
Cet arrêt prolongé, m’a fait un bien énorme, car au fur et à mesure des km, je vais de mieux en mieux. Je roule avec différents petits groupes tranquillement mais régulièrement. Je roule souvent avec des étrangers (Canadiens, Danois et autres) et comme le soleil est chaleureux je me sens bien.
Nous arrivons au troisième ravitaillement, à Fougères, il est 20h00. Je repars seul, mais comme la nuit commence à tomber, je me débrouille à rejoindre un groupe. Sans aucun problème, nous arrivons au quatrième ravitaillement de Tinténiac vers les 23h30.
Toujours 1h après, dans la nuit étoilée, je me joins au premier groupe qui part, constitué d’une majorité d’étrangers.
Pendant tout le trajet, je ne comprends strictement rien et ne dis mot. Toute la nuit se passe agréablement, dans le papotage d’accents venus d’ailleurs.
Ça rigole, ça chahute, ça discute, sans moi, mais ça permet de rester éveillés jusqu’à Loudéac, que l’on atteint à 4h 30. C’est le cinquième ravitaillement. Encore 1h d’arrêt environ avant de repartir, ce qui permet de rouler moins, la nuit. Profitant d’un petit groupe, on repart dans le petit matin frais. Puis lorsque le jour est plus clair, on se sent renaître avec lui. Toutes les sensations reviennent et la moyenne augmente. Des accélérations se font sentir et cela ne me déplait pas. Les muscles répondent parfaitement aux sollicitations et plus aucune trace de crampe.
La pratique intensive du vélo permet au corps de se refaire une santé à condition d’ingurgiter le carburant nécessaire, ce qui explique les arrêts prolongés aux différents ravitaillements.
L’arrivée à Carhaix se fait très vite, il est 8h40 et le temps d’arrêt est toujours le même pour ce sixième ravitaillement. Je repars avec un jeune couple anglais (en tandem).
Ils avancent bien et régulièrement, ce qui me permet de jouer avec eux. Je les double dans les montées et plonge dans leurs roues en descente. Nous roulons ensemble, près de deux heures, et au pied du col de Trédudon, avant Brest, je leur "tire ma révérence" pour foncer jusqu’au sommet, où un contrôle secret nous attend. Ensuite, la descente est fantastique, tout en recherche de vitesse ( 52 à 63 km/h). Un peu plus loin, dans une côte, je croise le tandem "Perget", de Montauban, qui descend comme une flèche, avec madame recroquevillée sur elle-même et la tête dans le guidon. Puis, c’est au tour de Francis (Montauban) que je vois du côté de "Roc Trévezel". A 15 km dans la dernière montée avant Brest, sous une petite pluie fine, un véritable coup de fusil se fait entendre. Immédiatement, ma roue arrière est complètement dégonflée et je dois m’arrêter. Je comprends la situation instantanément et descends du vélo, quand un breton sympa se propose de réparer, pendant que je me repose. J’accepte avec plaisir, et après discussion, je découvre derrière ce mécano volontaire, un futur participant. Après qu’il m’ait changé, chambre à air et pneu, à cause d’une entaille de dix centimètres, il me donne nombre d’informations sur le trajet à venir.
La route est maintenant pleine de cyclos et les trottoirs sont jonchés de bretons admiratifs qui nous encouragent.
On arrive à Brest à 13h45, pour ces premiers 600km, c’est le septième ravitaillement et il me tarde de commencer le retour.
Mais, déception ce fut l’arrêt le plus long (recherche d’un emplacement pour le vélo, attente au contrôle, immense queue au restaurant qui était à son comble, attente aux toilettes, aux points d’eau et embouteillage pour sortir).
Si bien que je ne peux repartir qu’à 15h30 et sous la pluie fine, qui nous fait déballer le "Gore-tex". Cependant, les groupes aux départs sont plus importants et cela devient plus intéressant.
Maintenant que nous sommes sur le retour, le fait de croiser d’autres participants (bleus ou verts) nous fait du bien au moral qui est à son apogée. Tranquillement et en discutant, on arrive à Carhaix sans même s’en rendre compte. C’est le huitième ravitaillement et il n’est pas loin de 19h00. Pendant cet arrêt, des informations me sont communiquées par téléphone, sur les positions avancées de Jean-Luc et Philippe. Je décide de continuer jusqu’à Loudéac. Avec un petit groupe de 7 ou 8 éléments, on arrive tranquillement à la tombée de la deuxième nuit (BOUM). On s’arrête pour endosser le chasuble et mettre la lumière. Il ne reste qu’une quarantaine de km pour atteindre Loudéac et cela fait presque 40h que je n’ai pas fermé les yeux, ça commence à piquer et les stores se ferment tout seuls.
Petit à petit, je retrouve mes deux oiseaux de nuit du 600km, c’est à dire messieurs "JAYMAL" et "JEAN" (vous voyez ce que je veux dire !). Ils m’occupent l’esprit et me tyrannisent un brin. La nuit est très noire, on aperçoit à peine la route, heureusement je ne suis pas seul et le scintillement des lumières, du groupe étiré, permet de distinguer une trajectoire. Je roule au milieu de la route en suivant les bandes pointillées. Les rares voitures qui nous croisent, nous éblouissent et cela devient insupportable pour les yeux. Pourtant il faut rester vigilant. La dénivelée est importante mais impossible à apprécier. Tout se passe dans les cuisses et la réaction pour passer les vitesses. Gare au temps de retard !
La position en danseuse est de rigueur surtout pour la relance. On a l’impression d’être perdu en pleine nature, heureusement que les flèches sont là pour nous indiquer le bon chemin. En arrivant sur un croisement, ma torche éclaire un panneau indiquant Loudéac 9km. A "vue de nez", je ne pensais pas être aussi loin du but. Dans la région, le paysage est très vallonné, ça monte et ça descend constamment. Il n’existe pas de "faux plats". Pourtant la moyenne est très faible, elle se situe entre 12 et 14 km/h (montées imprévisibles et descentes très dangereuses). Je commence à trouver le temps long et pense ne plus être très loin. Tout à coup, en haut d’un mont, on aperçoit une lueur. On la perd de vue en descente, on la retrouve à chaque montée. Je trouve qu’elle est très longue à se faire plus nette. Enfin on arrive au village, mais déception ! ce n’est pas Loudéac. On le traverse, et ma torche trouve une flèche sur la droite, puis un peu plus loin, un nouveau panneau indiquant "Loudéac 6km". J’ai vraiment cru à une farce et c’est à ce moment, que j’ai compris ce que voulait dire "EINSTEIN" dans sa théorie sur la relativité du temps ! On sort des lumières et on retrouve, montées et descentes, dans le noir absolu. Bientôt une nouvelle lueur se profile au loin, et ça monte, et ça descend toujours.
Enfin, les lumières grossissent de plus en plus, et on commence à apercevoir la ville. Le panneau d’entrée confirme qu’on est bien à Loudéac. Après un circuit touristique dans Loudéac, on aperçoit enfin un attroupement de cyclos et les banderoles du contrôle. Ouf ! on est quand même arrivé au neuvième ravitaillement ! Il est 0h15 et nous sommes le 24 août.
Après le pointage, je plonge sur la pancarte "couchage", mais le gymnase est complet. Il faut attendre 1h, qu’un matelas se libère. Je m’inscris sur la liste d’attente. J’en profite pour prendre une douche et aussi soigner mes fesses. Après un bon sommeil de 4h et un gros déjeuner, je suis fin prêt à reprendre la route. Je perds quelques minutes sur ma dynamo qui ne marche pas. J’ai manqué le ’train’ de 6h. Je repars seul à 6h20, et rejoins au lever du jour, un petit groupe pas très loquace.
Je les laisse et commence à durcir le rythme. Le repos m’a fait un bien énorme et les jambes répondent extraordinairement.
C’est super, je relance le cheval et le 50 est de rigueur. Je double des isolés et des petits groupes, les couvertures de survie font "légion" dans les fossés. Le compteur affiche souvent 35km/h, dans l’euphorie les descentes sont parcourues en recherche de vitesse, les montées dans l’élan, avec la position en danseuse en fin de bosse. A ce régime, le dixième contrôle, de Tinténiac est vite arrivé. Il est 10h10. En fait, c’est un peu grâce au vent qui a changé d’orientation en même temps que l’on tournait à Brest (de N.E. à N.O.).
Maintenant, je vais allègrement sur Fougères, mais le mal aux fesses redouble d’intensité et je ne sais plus comment me positionner sur la selle. Pour palier cet état de fait, toutes les descentes se font en recherche de vitesse (les fesses en dehors de la selle) et les montées pratiquement toutes, en danseuse. Le reste dans une position assise, est très difficile à supporter. Enfin on arrive au onzième ravitaillement de Fougères, il est 14h30.
J’essaie de rester le moins longtemps possible et je pense avoir réussi le meilleur temps, soit 30 minutes d’arrêt seulement.
Cette journée est la plus rapide, et les kilomètres se font à une vitesse moyenne de 28km/h. Le temps est idéal, un peu couvert sans pluie, vent trois quart arrière et soleil voilé sans grosse chaleur. On enroule facilement le 50, et le deuxième ravitaillement est vite là. L’arrivée à Villaines la Juhel se situe aux environs de 18h. Mais, l’arrêt est encore bien long, car des efforts plus soutenus, demandent davantage de carburant.
Je repars dans un petit groupe, et au moment ou la troisième nuit commence à tomber (patatras !), mon compteur bascule dans un autre monde. Il affichait 44h48 pour les 1000km, puis est repassé à zéro. Je me glisse au milieu des autres et tranquillement les km s’égrènent, un à un.
J’ai l’impression d’être un humanoïde et le temps passe très vite, on aperçoit déjà les lueurs de Mortagne au Perche, sur les hauteurs. Ça monte beaucoup mais les jambes sont habituées, et la position en danseuse (très utilisée) soulage les fesses. On arrive très vite au treizième ravitaillement de Mortagne au Perche. Il est 23h environ. Après une légère hésitation, je décide de dormir un peu. La douche est très appréciée et le pommadage des fesses me calme la douleur.
Je prends place sur le matelas du saut à la perche et dors environ 4h. Comme d’habitude, le déjeuner est copieux et je suis en assez bonne forme, mais les fesses me font horriblement mal.
C’est le départ, il est 5h, mais à peine assis sur la selle, impossible de trouver une position supportable. Je me trémousse sur le côté, à droite, à gauche, en avant, en arrière et pas moyen de prendre un rythme. Heureusement, les jambes tiennent bon et ne me font plus mal. Malgré le relief qui s’est très atténué, on prend beaucoup plus souvent la position en danseuse.
Le jour se lève très vite, (on revient vers l’est) et dans le petit matin, on traverse des villages pour arriver au dernier ravitaillement de Nogent le Roi, que l’on atteint vers 8h. J’avais décidé de ne pas me ravitailler, mais l’estomac et les odeurs de "mets succulents" m’ont fait "craquer", et ne suis reparti qu’à 9h00, pour faire les 56km restants.
Maintenant, la banlieue est toute proche, mais le frottement de la selle devient insupportable. Quelques amateurs de la "petite reine", nous encouragent sur le bord de la route, ce qui nous permet de continuer malgré tout. A la vue des noms tels que : Elancourt, Trappes, Montigny le bretonneux et Guyancourt nous rappellent qu’on est près du but final. On se faufile au milieu des voitures, et dans un dernier effort, avec un petit groupe de l’A.S.P.T.T. on arrive enfin au rond-point des saules, où la foule de l’arrivée nous applaudit, et dans ce laps de temps, la fatigue et la souffrance ont disparu.
Pour ce dernier pointage c’est la délivrance et la décompression. Il est 12h49 et le temps total est de 79h49.
Mon compteur marque 1240 km et totalise un temps effectif de selle, de 56h11.
Super de réussir ce pari fou !
Au delà de l’épreuve "casse-cou",
L’homme y gagne en humilité,
Son âme s’en trouve purifiée.