Texte de Nicole, photos de Philippe
Julie avait décidé de repartir remplir sa musette de BPF à la faveur d’une météo clémente. Depuis qu’elle avait enregistré tous les sites déjà parcourus sur l’application de Damien (https://bpfmgr.herokuapp.com), jeune cyclo toulousain, elle s’était motivée pour continuer la récolte, même si elle savait qu’elle ne validerait jamais le Brevet des Provinces Françaises.
Acte 1 – Entre Margeride et Gerbier de Joncs, soleil et vaches Aubrac
Au printemps, elle avait tracé un parcours en boucle au départ de St-Chély d’Apcher, pour rejoindre les sites BPF de Lozère, Ardèche et Haute-Loire manquants à son « palmarès ». Deux fois reporté cette année pour diverses raisons, il était temps d’y aller… toujours en compagnie du Maitre** !
La récolte démarra par un petit échauffement en après-midi au départ de St-Chély afin d’aller voir la bourgade de Fournels (BPF 48). La curiosité du lieu, le château de Fournels, était fermée et la bourgade déserte hormis l’unique café-restaurant qui semblait être le point de ralliement des habitants. La remontée vers Termes se fit en compagnie d’un autochtone du village. Celui-ci revenu au pays depuis quelques années et journaliste à ses heures leur donna sa vision de l’agriculture moderne.
Le lendemain, les sacoches (légères) furent arrimées au porte-bagages et ils s’élancèrent vers le site du jour, Châteauneuf de Randon (BPF 48).
En cette fin Octobre, ils avaient décidé de laisser la tente à la maison, ils trouveraient bien un endroit pour dormir. Le départ au petit matin fût frisquet, malgré les premiers rayons de soleil qui laissaient augurer une belle journée, au bout de quelques kilomètres Julie décida de « sortir la doudoune ». Ils se laissèrent glisser jusqu’à St-Alban-sur-Limagnole avant d’attaquer la montée vers le superbe plateau de la Margeride qui avait revêtu ses couleurs d’automne. La redescente du « col des Trois Sœurs », où trois sœurs périrent dans une tourmente de neige en rentrant du bal, leur offrit des points de vue magnifiques sur les hauteurs de la Haute-Loire. Ils firent ensuite un petit effort pour se hisser près de la tour des anglais
, en haut de Châteauneuf de Randon, lieu où mourut Bertrand Du Guesclin alors que son armée avait vaincu l’ennemi. La suite de la balade fût un vrai régal. Ils suivirent le Chapeauroux, modeste cours d’eau serpentant tout d’abord au milieu des pâturages puis se transformant en torrent en prenant, comme eux, de la vitesse au contact de la pente, pour se transformer ensuite en paisible rivière à truites. Tout y était, une symphonie de couleurs flamboyantes, jaunes,
orangés, rouges, accompagnait leur chevauchée qui se termina aux abords du réservoir bien bleu de Naussac.
A Langogne, il fallait trouver un toit et là, ce ne fût pas aussi simple que prévu ! Langogne est situé sur le chemin de Stevenson et en cette saison les randonneurs se faisant rares, la plupart des gites étaient fermés. C’est alors que Julie dégaina Organics, la nouvelle application qu’elle testait en ce moment, et finit par trouver un gîte bien sympa où ils purent échanger avec des randonneurs et un cycliste gaillacois.
Le lendemain, ils partirent en direction de l’Ardèche où ils avaient dû renoncer, quelques trente ans auparavant (Aie !) à monter au Mont Gerbier de Joncs pour cause de neige tardive. Ils reprirent leur chevauchée sous le soleil, évoluant entre 900 et 1400 m d’altitude, sur des routes impeccables et quasiment désertes. Un vrai plaisir pour le cyclo-touriste. Le paysage changeait un peu, les forêts étaient un peu plus nombreuses. Au Lac d’Issarlès (BPF 07) quelques motards avaient également pris la clé des champs. La route était encore longue, il fallait s’arracher. La montée au Béage les surpris un peu mais le paysage aidait Julie à avancer. De temps en temps, elle parlait aux vaches qui les regardaient passer pour leur demander un peu de soutien. A Sainte-Eulalie, ils décidèrent de chercher un toit pour la nuit.
La 3ème étape s’annonçait la plus sérieuse, ils prévoyaient d’atteindre Le Puy en Velay, il ne fallait pas trainer.
Ils s’élancèrent sous le soleil à l’assaut du Mont Gerbier de Joncs (BFP 07). Enfin ! Elle allait l’avoir celui-là !
Après une petite montée ils atteignirent le Col et purent profiter de la vue splendide en toute tranquillité, les marcheurs et autres touristes n’étaient pas encore arrivés. Ils regardèrent le sommet du pied et Julie constata que le chemin escarpé n’était pas fait pour elle !
Ils continuèrent à virevolter sur le plateau en contournant le Mont Mézenc. A Saint-Front (BPF 43), ils visitèrent l’église construite en pierres volcaniques et classée monument historique puis pique-niquèrent au bord du lac d’Arcône, lac d’origine volcanique. En visitant l’église ils apprirent qu’un des curés de la paroisse était mort sur le parvis, écrasé par la cloche qui s’était décrochée.
Julie se dit que vivre sur ces plateaux s’avérait être bien dangereux ! Le petit détour par le lac permis d’affuter un peu plus les mollets, la pente de la remontée du lac affichait deux chiffres au compteur.
Puis, ils mirent le cap au Nord et dévalèrent un peu les pentes pour rejoindre en contrebas la petite ville de Tence (BPF 07) perchée à 800m seulement. Ils arrivèrent dans une ville bien abimée par la récente crue du Lignon, les abords de la rivière étaient encore bien encombrés. Ils pensaient visiter la Chapelle des pénitents, curiosité du lieu, mais trouvèrent porte close.
S’en suivit une nouvelle remontée sur le plateau, toujours sous le regard de quelques vaches
, compatissantes, c’est du moins ce que pensait Julie… Ils trouvèrent un peu de circulation sur cette D15 que Julie avait hésité à prendre en traçant le parcours. Nous étions dimanche soir, fin de week-end prolongé, les Ponots rentraient chez eux. Le soleil devenait de plus en plus rasant, les trous noirs de plus en plus nombreux. Le froid les surpris en arrivant à St-Julien en Chapteuil
et ils décidèrent de s’arrêter pour la nuit, veillés par le massif du Meygal. Encore un très joli village où tout était fermé.
Le lendemain, à 800 m d’altitude, ce fût une tout autre histoire. Le brouillard avait décidé de les accompagner sur cette route encore un peu descendante, ils allumèrent leurs feux rouges et Julie rajouta une couche de vêtements
. Puis, ils empruntèrent une route moins roulante qui les conduisit au Puy en Velay toujours dans le brouillard. Qu’ils étaient bien, là-haut, sur les plateaux au-dessus de 1000m ! Au Puy, ils se concentrèrent pour grimper à la cathédrale Notre-Dame-du-Puy sur des pavés en pente raide…
Pas de visite possible pour cause de messe ! Encore raté ! Vers 11 heures, le soleil fit son apparition et avec lui, les voitures et les touristes. Ils en profitèrent pour filer vers les gorges de l’Allier où les attendait un autre BPF, Monistrol d’Allier (BPF 43). Après une remontée sur le plateau, ils rejoignirent le joli petit village de St-Privat-d ’Allier construit dans la roche et dévalèrent les gorges, les falaises dans le dos, pour rejoindre Monistrol tout en bas. Pour une fois, Julie aurait préféré grimper cette belle route pour mieux profiter du paysage. Monistrol, halte sur le chemin de Saint-Jacques de Compostelle, situé à 600m d’altitude, était dans l’ombre et un peu sinistre avec son pont Eiffel
et son usine électrique. Personne dans les rues et église fermée en cette saison, ils ne verraient pas les statues en bois polychromes. Ils passèrent la soirée dans un tout petit gite, en compagnie d’André, retraité, le seul à garder sa porte ouverte toute l’année aux voyageurs, « pour avoir un peu de compagnie » leur dit-il. Il en avait entendu des histoires de pèlerins, pas mal de personnes un peu abimées par la vie s’étaient assis à sa table.
Ils démarrèrent la dernière étape par une grimpette de 400m, histoire de voir si les cuisses tenaient encore le coup, sous le soleil, comme l’avait promis André. En haut, ils furent doublement récompensés par une vue splendide sur le plateau de Saugues en contrebas et par la magnifique statue de La Bête…
Ils étaient en plein cœur du Gévaudan.
Se succédèrent ensuite quelques montées et descentes que Julie avala sans difficulté, un peu grisée par ces superbes paysages, ces couleurs flamboyantes et ce très beau soleil de Toussaint.
A St-Chély, la boucle était bouclée. Julie se dit qu’ils avaient eu raison d’attendre le créneau météo favorable pour affronter ces plateaux réputés venteux et froids. Les couleurs automnales et la basse saison touristique avaient rendu la balade particulièrement plaisante.
Acte 2 – Entre Angoulême et Brive, grisaille et vaches Limousines
La météo ayant prévu 3 ou 4 jours de beau temps, Julie, boostée par sa semaine en moyenne montagne, décida de « terminer la Charente et la Haute-Vienne », parcours auquel elle avait dû renoncer en Septembre. Elle traça rapidement un parcours reliant 6 BPF et décida qu’ils prendraient le train jusqu’à Angoulême. Ils profitèrent de l’arrivée du train en début d’après-midi pour aller visiter le foisonnant musée de la BD d’Angoulême.
Le lendemain, Julie ne pût que constater que le temps était bien plus gris que prévu, « le soleil va se lever un peu plus tard » se dit-elle… Et les voilà partis vers Rouillac (BPF 16). Ce week-end était encore un week-end prolongé, les petites routes étaient tranquilles mais, il faut bien le dire, les paysages moins grandioses que la semaine précédente.
A l’approche de Rouillac, Ils gravirent la colline pour atteindre le théâtre gallo-romain des Bouchauds mais le site d’accueil étant fermé. Ils conclurent, un peu rapidement, qu’ils ne pouvaient pas le voir et se dirigèrent vers Rouillac. Plus tard, ils s’aperçurent que le site était ouvert 24h/24h… encore raté !
Julie se dit qu’il ne fallait pas rater le château de La Rochefoucauld (BPF 16), elle avait vu la photo, ça ne pouvait pas être fermé ! Le ciel s’était mis au gris-bleu, « c’était surement un bon signe » se dit-elle. Alors qu’ils mangeaient près de la Charente, une dame vint discuter avec eux des récentes crues « qui n’avaient pas fait trop de dégâts ici » leur dit-elle.
A La Rochefoucauld, le soleil fit son apparition et ils purent profiter de ce très beau village, le château, le pont, les arcades.
Pour une fois, il y avait un peu de monde et… le château était ouvert. Ils laissèrent leur monture pour emprunter le grand escalier en colimaçon conçu par Léonard de Vinci, parcourir les 3 étages des galeries et les 4 bibliothèques. Un vrai BPF, quoi !
Changement radical de temps au matin suivant avec un bon brouillard bien froid ! Julie se dit que l’avantage avec le brouillard c’est qu’on ne voit pas les côtes arriver. Ça tombe bien, il y en avait pas mal jusqu’à Chassenon (BPF 16) et du coup, ils se réchauffèrent un peu. A Chassenon, ils visitèrent les thermes romains de Cassinomagus
, les plus grands (12 500 m2) découverts en France à ce jour. Ils déambulèrent entre Caldarium (salle froide), Tepidarium (salle tiède), Frigidarium (salle froide), grands bassins, fours de chauffe et aqueduc. Incroyable ! 2000 ans avant Calicéo, tout était parfaitement pensé et organisé. Comment avait-elle pu ignorer l’existence de ce site ? Heureusement qu’il y avait les BPF !
Bon, il fallait déjà repartir car il y avait encore de la route pour arriver à Chalus (BPF 87) et peut-être une visite avant la nuit.
A partir d’Oradour-sur-Vayres, ils empruntèrent la voie verte, 20 kilomètres bitumés en forêt… mais en automne il y a pas mal de feuilles bien mouillées et Julie pestait un peu. Certes, c’était plat mais ça n’avançait pas ! A Châlus, le Donjon était perché comme tout donjon digne de ce nom. Ils prirent la montée directe pour aller plus vite, la pendule tournait, ils voulaient visiter avant la nuit. Encore un site célèbre… sauf pour Julie qui ne connaissait pas l’histoire. C’est au château de Châlus-Chabrol que le roi Richard Cœur de Lion a été tué par un arbalétrier, Pierre Basile. De cette période, il ne reste que le donjon
et les vestiges de la chapelle où reposent les entrailles du Roi . Après la visite, Julie enfila sa doudoune, la température avait chuté et pour le moment ils n’avaient rien pour dormir. Le Maitre avait repéré un hôtel… fermé. Là, Julie alluma les lampes, c’était pas gagné ! Mais, c’était sans compter sur la bonne étoile du Maitre, il appela l’autre petit hôtel du bourg. Il y avait de la place, mais il fallait se dépêcher, le patron allait fermer. Ouf ! Ils eurent l’hôtel pour eux tout seuls et achetèrent une pizza dans un camion-pizza.
De Châlus à Nexon (BPF 87), ce fût un véritable toboggan que Julie préféra, malgré tout, à la voie verte en forêt. Au moins sur la route on pouvait rouler ! Le parc du château-Mairie de Nexon hébergeait le pôle national du cirque…
Ils ne purent visiter ni le cirque, ni le château… La balade repris donc en direction de la Corrèze où le soleil commençait à faire quelques belles sorties. Ils passèrent devant le beau château de Pompadour et le haras national après quelques bosses bien relevées. A partir de là, Julie avait imaginé un peu vite, que « ça descendait quasiment jusqu’à Brive hormis la montée vers Voutezac ». Que nenni, Haute-Vienne et Corrèze même combat, une bosse en cache toujours une autre ! Julie pris son mal en patience et appuyait méthodiquement sur les pédales. Voutezac (BPF 19) perché sur un éperon rocheux surplombant les gorges de la Vézère étaient enfin là avec ses maisons groupées autour de l’église. Pas de visite prévue ici, c’est en bas, au Saillant qu’ils avaient prévu un arrêt. Ils dévalèrent la route sinueuse qui les conduisit au bord de la Vézère, signe d’un peu plus de platitude. La curiosité ici, c’étaient les vitraux de Marc Chagall ; la chapelle du Saillant est la seule église de France entièrement décorée par Chagall, très beau.
Lorsqu’ils eurent traversé la Vézère, ils rencontrèrent le club local qui terminait sa sortie. Le Maître pris la tête du petit groupe papotant, comme toujours, avec un adepte de la longue distance, Julie dans sa roue échangeant avec un cyclo qui lui racontait son PBP et le reste du groupe suivant derrière… Le rythme était élevé et les deux chasseurs de BPF appuyaient allègrement sur les pédales, il faut dire que le vent était de dos et la route bien plate. Un peu avant Brive, ils quittèrent le groupe et se dirigèrent vers la gare d’où ils prendraient le train le lendemain.
Et voilà, Julie avait rempli le contrat-BPF qu’elle s’était fixée pour l’année à la faveur d’un automne plutôt clément. Elle avait encore découvert pas mal de choses avec en point d’orgue, les plateaux de la Margeride et du Gerbier de Joncs, le château de La Rochefoucauld et les thermes de Chassenon tout en consolidant son entrainement pour attaquer la saison hivernale...
** voir https://us-colomiers-cyclotourisme.fr/le-cancre-et-le-maitre-d-ecole
lien site des BPF : https://ffvelo.fr/randonner-a-velo/ou-quand-pratiquer/les-plus-beaux-sites-de-france-bcn-bpf/