textes et photos de Philippe extraits de publications
Notre projet est de partir de Kabrousse, au sud du Sénégal, pour rejoindre Saint-Louis au Nord en faisant un petit détour en Gambie.
Casamance
... Une petite contrariété au départ, nos vélos sont restés à Dakar mais, tout finit par s’arranger puisqu’ils arrivent le jour suivant… mais avec un disque voilé. Aie ! Le soir, c’est « rues désertes » pour cause de match de foot. Les lions de la Téranga sont les favoris de la CAN…
C’est là, qu’on apprend qu’au Sénégal, on ne laisse jamais tomber quelqu’un dans le besoin, ainsi Youssef n’hésitera pas une seconde à s’occuper du disque voilé pendant le match. Ouf !
Ce qui nous surprend en Casamance, c’est la tranquillité. Même sur la route, l’utilisation du klaxon est raisonnable. Il dégage moins de décibels que les coqs à quatre heures du matin.
Le matin, nous partons au lever du soleil et après quelques kilomètres nous sommes couverts de poussière. La chaleur nous rattrape vers 11 heures. Après, il faut gérer : Oussouye, Ziguinchor, Bignona, Kafountine … ...
Les routes et les pistes sont impeccables pour les vélos.
Souvent, elles sont parsemées de beaux trous qu’on contourne. Les voitures et les camions, obligés de faire attention, réduisent significativement leur vitesse. Ce n’est pas pour nous déplaire. Quant au sable, pour le moment on s’adapte.
En route, nous avons l’agréable surprise de croiser nos premiers cyclo-voyageurs. Mario (Polonais), Raphaël (Suisse) et Thomas (Allemand) partis d’Europe et projetant de rallier l’Afrique du Sud.
A l’ombre d’un monumental manguier, nous avons échangé et partagé. Ils ont traversé le Maroc et la Mauritanie, et vont quitter le Sénégal pour la Guinée-Bissau. A côté de ce périple, on se sent tout petit.
A kafountine, nous nous accordons une première étape de repos, encore un jour de match et les « Lions du Sénégal » sont favoris. La ville est en ébullition. Le bissap coule à flot.
Ce jour-là est terrible, l’eau et l’électricité sont coupés, et les ‘Lions’ se sont inclinés aux tirs au but face à la Côte-D’Ivoire. Même nos hôtes,Yann et Dominique, sont revenus bredouilles de la partie de pêche. Quand je vous dis que c’était une mauvaise journée...
Gambie
Nous faisons le plein d’énergie pour rejoindre la Gambie. Le contraste est y saisissant. La religion est omniprésente dans ce petit pays. Les écoles coraniques fleurissent de partout.
Le flot de voitures et de camions nous surprend un peu, mais à la longue on s’y habitue, nous sommes en zone urbaine. Sur la route, c’est à qui est le plus fort. A ce jeu, les camions et les petits utilitaires nous dominent. Nous glissons souvent sur le bas-côté, d’autant plus qu’il est confortable.
Nous longeons le fleuve Gambie, la zone est un peu désertique et la route est belle mais ça nous convient bien.
Les villages s’animent différemment selon les heures de la journée. Le matin, des nuées d’écoliers, de lycéens et d’étudiants rejoignent leurs établissements, à vélo, à pied, à moto. Les adultes assurent leurs travaux quotidiens bravant soleil et chaleur. L’après-midi, la chaleur s’intensifie, chacun essaie de trouver un peu d’ombre. Ils nous regardent passer avec étonnement et encouragent les « toubab » que nous sommes. Nous partageons la route avec les chèvres, les moutons, les ânes, les vaches, les attelages et les fameux taxis 7 places. Parfois un phacochère traverse la route sans nous demander la permission...
Nouvelle surprise sur le parcours, nous croisons Manon et Maxime, deux jeunes Bretons qui sont partis de Dakar début janvier pour une aventure de 6 mois dans les pays d’Afrique de l’Ouest. Comme la première rencontre, tout se passe à l’ombre d’un manguier...
Sine-Saloum
Changement de décor en remontant vers le Delta du Saloum, une terre plus orangée nous offre ses nuances de couleurs. Le sel a ponctuellement envahi les abords de la route...
C’est avec beaucoup de respect et d’admiration qu’on voit les femmes en particulier s’échiner du matin au soir à de nombreuses tâches et s’occuper de leur famille. Le travail des hommes (hors la pêche) nous semble moins éreintant.
Nous croisons Benjamin, parti de Nantes. Lui aussi a traversé le désert mauritanien. Il espère poursuivre jusqu’au Cap. C’est un habitué de ce genre d’expédition...
Après Tabacouta nous empruntons une piste qui nous semble bien agréable pour rejoindre Foundiougne, la route est en construction.
Au bout de quelques kilomètres, nous sommes couverts de poussière et de terre, mais la circulation intense nous est épargnée…
Joal-Fadiouth, M’Bour, Popenguine, Toubab Dialaw, la remontée se passe sans difficulté, la seule crevaison a eu la bonne chance de se produire près d’un point d’ombre.
A Mbour, deuxième port de pêche du pays, c’est l’effervescence d’un samedi.
En fin d’après-midi, la plage s’est transformée en ruche. Les pirogues arrivent, les hommes déchargent le poisson, les femmes le trient et le préparent pour la commercialisation. Tout semble bien huilé...
Le vent du Nord domine et nous attendions l’alternance, en vain. Avis à tous les voyageurs à vélo, on descend les côtes africaines, on ne les remonte pas.
La route vers le Lac Rose nous sort de la torpeur que nous avions adoptée depuis le Sine Saloum. Les routes fréquentées nous obligent à plus de concentration. Les sorties de collèges et de lycées nous impressionnent. 40 % de la population a moins de 18 ans...
Depuis les grosses inondations de 2022, le Lac Rose n’est plus rose, la concentration en sel ayant fortement diminuée. Pourtant le mythe du Paris-Dakar est encore bien présent. Les quads et les dromadaires font le bonheur des touristes et le sable le malheur des cyclistes.
Le Nord
La route côtière (enfin presque !) qui nous mène du Lac Rose au petit désert de Lompoul via Mboro est paisible et bien vallonnée, une route ocre bordée d’acacias où l’ombre rare est la bienvenue. A Lompoul, Ibrahim nous accueille dans son campement perdu dans la campagne après 700 mètres de poussage dans le sable. Même si nous avons progressé en stabilité pour rouler dans le sable, là c’est mission impossible… alors, on pousse.
Nouvelles rencontres du côté de Lompoul de Anna la suissesse et de Kuko l’espagnol qui, après avoir traversé le désert mauritanien, se laissent glisser vers Dakar poussés par un bon vent.
Après la Langue de Barbarie nous avons poursuivi notre escapade vers Saint-Louis. Saint-Louis, ancienne capitale du Sénégal, ville située à quelques kilomètres de la Mauritanie, ville renommée à Toulouse pour son histoire liée à l’Aéropostale et à ses héros.
Nous longeons le fleuve Sénégal pour arriver au cœur de l’île par le célèbre pont Faidherbe.
Ici, se dégage une atmosphère particulière. C’est calme et serein, mais à quelques encablures ça bouillonne. Dans le village des pêcheurs, la densité frôle les 4000 habitants au kilomètre carré. Un véritable labyrinthe où cohabitent des humains, des moutons, des chèvres, des volailles et même quelques pélicans...
Pour notre fin de séjour, nous avons fait la connaissance de l’harmattan, ce vent de Nord-Est qui soulève le sable, qui vous use et vous transforme en un petit être terreux et poussiéreux. Il aura soufflé pendant trois jours filtrant le soleil et nous rendant la pédalée difficile sur notre dernière étape.
Une dernière escapade à la Réserve de Bandia et c’en est fini avec le Sénégal pour cette fois. Nous allons retrouver la France et sa fraîcheur.
Peut-être que lundi je dirai à ma boulangère « Bonjour, comment ça va ? Ça va bien ? ».